La création de zones d’exception fiscale ou d’allégements fiscaux est une des réponses possibles aux problèmes économiques, sociaux et d’insécurité qui touchent les zones urbaines et rurales de l’espace Aurassien.
Mais par ses contradictions bureaucratiques qui tendent à reprendre de la main droite ce que l’on donne de la main gauche, le régime algérien de zones franches mis en place dans la région de Djijel a été récemment remis en cause. L’ordonnance du 19 Juillet 2003 va devoir être examinée par les pays membres de l’OMC dans le sillage de la négociation multilatérale. L’Algérie étant tenue de soumettre ses législations commerciales à l’occasion de son processus d’accession.
L’exemple de la Casbah d’Alger
Chafiaâ Djouadi dans une étude sur la réhabilitation de la Casbah d’Alger traite des expériences, des hésitations et des contradictions d’une politique publique pour traiter d’un site pourtant classé œuvre de l’humanité par l’Unesco.
De nombreuses villes et cités algériennes ont eu une évolution de leur morphologie urbaine similaire notamment pour ce qu’on appelle communément les villes historiques, Constantine, Bejaia, Alger, Tlemcen...
Leur morphologie a suivi plusieurs étapes de changements : au départ il y avait un noyau historique, la ville traditionnelle, qui a éclaté lorsque les militaires coloniaux, à leur arrivée, ont tracé des percées à travers les rues enchevêtrées et construit des quartiers à l’Haussmannienne. Pendant la guerre, l’habitat précaire (bidon-villes) s’est développé pour accueillir les réfugiés et après l’indépendance, l’exode rural l’a renforcé. Cet habitat illicite s’est étalé de manière anarchique en dehors de toute règle d’urbanisme. En parallèle, la politique du logement social a favorisé le foisonnement de cités d’habitat collectif. Enfin les nouveaux riches ont exploité les terrains restants pour construire de l’habitat individuel.
La ville algérienne ou la déchera des Aurès ne pourrait et ne saurait se reconstruire qu’en puisant et en se réconciliant avec ce qui a été son fondement, c'est-à-dire sa trame historique. Il lui faudrait retrouver son passé, pour pouvoir gérer le présent et appréhender l’avenir.
La cité algérienne traditionnelle est un vrai patchwork, pourtant la même image s’offre aux yeux, celle d’un grand bourg aux constructions délabrées et aux espaces publics non aménagés. Il n’est plus alors possible de parler de cités ou de villes de l’histoire car les quartiers "se suivent et se ressemblent" : des maisons délabrées, des façades sales, des chaussées défoncées, des espaces verts désertiques, des dépôts d’ordures dans tous les endroits, un mobilier urbain détérioré et surtout des pratiques non urbaines des usagers encouragées par des gouvernances locales parasitaires.
L’exemple le plus frappant de cette détérioration est celui des différentes Casbah de villes comme Constantine noyaux historique, vestige de la culture urbaine mauresque et de l’histoire d’une urbanité.
Au lieu d’être le symbole de l’urbanité et le joyau de la ville, la Casbah de Constantine, est devenue pour beaucoup le symbole d’une vie misérable, de l’exclusion et de la pauvreté.
Constantine est perçue aujourd’hui comme une ville repoussante pour l’étranger et comme l’impossibilité d’obtenir un logement décent et un environnement propre et confortable pour ses habitants.
Chafiaâ Djouadi pose plusieurs questions pour la sauvegarde des cités traditionnelles :
- Quelle serait la démarche qui pourrait parler aux habitants et les pousser à participer et à s’impliquer ?
- Qui seront les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre de ce type d’opération ?
- Quel pourrait être le réseau de partenaires et les moyens de financements ?
Sur le pilote elle ne voit qu’une structure le Ministère de la culture, mais elle le met déjà en doute par un point d’interrogation tant qu’il semble exister un malaise sur les capacités et la volonté effectives d’un pouvoir public, imposant par ailleurs un monopole de fait sans partage avec la société civile rejetée dans un rôle de faire-valoir.
Sur le modèle elle propose effectivement des Pact Arim plus appropriés pour une démarche citoyenne "à condition toutefois de réadapter certaines méthodes de structuration, de gestion et de fonctionnement à la réalité algérienne" !...
Elle finit par proposer un objectif, celui de créer au départ, une association ou un groupement dans le même esprit que les "Pact Arim". Et finalement elle conclu en proposant des partenaires financiers européens pour "courcircuiter" d’une façon diplomatique le pouvoir local en s’appuyant sur la déclaration de Barcelone de Juin 2000 pour l’amélioration de la compréhension mutuelle entre les peuples de la région et le développement d’une société civile active d’une part.
D’autre part la communauté européenne n’agirait pas comme un simple bailleur de fonds ayant comme objectif la réalisation ponctuelle d’un projet, mais aurait pour ambition l’amélioration des structures socioéconomiques, la promotion des activités productives et le renforcement des capacités locales figurant parmi les principaux objectifs du programme.
Chafiaa Djouadi blinde sa proposition pour la faire échapper à la tutelle stérilisante du pouvoir local en l’intégrant aux programmes MEDA, Banque Mondial, FMI...
Des villes durables
Contrairement aux pays sous d’autres latitudes vivant dans des paillotes ou en mobile- home, au Sud-ouest méditerranéen, de tout temps et encore aujourd’hui dans la majorité des cas, nos populations des plus pauvres aux plus aisées construisent quand cela leur est possible des maisons en dur, faites pour accueillir plusieurs générations à la fois ou successives et pourtant depuis peu, cela semble changer pour une "acceptation" d’une plus grande précarité de l’habitat.
Le risque social majeur encouru actuellement par les pays de l’espace Sud-ouest méditerranéen, c’est celui de villes où, obéissant à une logique individualiste, chacun s’isolerait le plus possible des autres, ou de villes dans lesquelles la ségrégation sociospatiale ne cesserait de s’accroître parce que, au sein de chaque groupe social, on ne voudrait vivre qu’"entre soi". Cette logique conduit déjà en Algérie à habiter dans des quartiers hautement "sécurisés" même si ce phénomène est constaté aussi bien dans des pays développés que dans des pays en développement.
Les villes, particulièrement les plus grandes, sont confrontées à toutes sortes de nuisances : pollution atmosphérique, encombrement du trafic, production intense de déchets, bruit, etc.
Philippe d’Iribarne (1973), s’appuyant sur les travaux du Centre d’études et de recherche sur le bien-être (Cerebe) qu’il avait alors lui-même fondé, avait déjà montré, dans les années 1970, le très faible gain de temps que permettait l’usage de l’automobile en ville. C’était pourtant l’époque où l’on construisait des voies "express", même si elles n’avaient aux heures de pointes, d’express que le nom.
Dans les villes du Sud, l’amélioration de l’environnement urbain se pose en des termes accrus. Lorsque des villes voient leur taille augmenter au rythme annuel de 5 %, l’enjeu environnemental prend une importance considérable. Le système de transports publics ne peut faire face à un accroissement de la demande aussi rapide, d’autant plus qu’elle émane de populations en partie pauvres. Mais c’est aussi le fonctionnement des services publics de ramassage des ordures qui est en cause.
François Moriconi-Ebrard (1994) parlait de la ville comme du « système d’organisation le plus rentable que la société ait inventé pour permettre à une population nombreuse de vivre sur une surface de taille la plus réduite possible. » Sans doute. Mais ce qu’il importe de considérer, c’est aussi la pression qu’une ville exerce sur les ressources et, plus généralement, sur l’environnement global.
Jacques Véron préconise une approche globale de la ville. "Un nouveau modèle de ville est à inventer". "Améliorer l’environnement urbain est une nécessité". "La ville durable est une ville de proximité". L’extension des villes par la périurbanisation s’est révélée largement négative. « Le modèle de la ville éclatée, qui suppose l’extension des zones périurbaines, la multiplication des déplacements et les problèmes de transport, démontre le caractère non durable de l’urbanisation actuelle.»